La littérature de l’âge classique, même lorsqu’elle répond à une vocation mondaine, comme le font le roman, le théâtre ou la poésie, ne se conçoit pas indépendamment d’une ambition morale, voire spirituelle. Rhétorique, poétique, morale, théologie, s’y entremêlent sans cesse. Ignorer cette dimension des textes conduit à en assourdir la résonance. L’étude de l’augustinisme littéraire et de l’influence de Port-Royal sur le XVIIe siècle longtemps menée dans le cadre de l’équipe « Port-Royal et la vie littéraire » du CELLF a ainsi démontré de façon magistrale l’idée que le Grand Siècle était d’abord « le siècle de saint Augustin » (Jean Dagens). Le mouvement imprime une marque sans égale à l’essor de la littérature classique, modelant sa vision de l’homme et contribuant à façonner une esthétique singulièrement originale dans l’Europe baroque de la période.
Beaucoup demeure à étudier concernant Port-Royal : sa relation à la notion de république, à la mémoire, aux formes littéraires, par exemple. Il est temps d’entreprendre des éditions des œuvres de la mère Agnès, d’Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly, de Saint-Cyran, des Lettres de Le Maistre de Sacy, ainsi que du Journal de l’abbaye. L’équipe doit continuer à accueillir et à favoriser de tels travaux. Elle n’entend donc pas clore l’enquête entreprise par « Port-Royal et la vie littéraire », mais en prendre le relais pour en élargir la perspective. L’équipe se propose ainsi d’étendre la réflexion à des auteurs aussi fondamentaux que Bossuet, Malebranche, Fénelon, d’œuvrer à l’édition de textes de ces derniers encore méconnus ou devenus difficiles d’accès. À un moment où les enjeux de la transdisciplinarité apparaissent de plus en plus clairement, tout particulièrement, peut-être, s’agissant de l’époque moderne et pré-moderne, elle interrogera la manière dont de tels auteurs inscrivent leurs voix au cœur des grands débats philosophiques et théologiques de leur temps (la controverse autour de l’amour pur, la question de la liberté, le statut de la vérité etc.) et participent au renouvellement de problématiques politiques, sociales et épistémologiques essentielles (l’autorité politique, l’histoire, la logique, par exemple). Cette ouverture est indispensable pour cerner essentiellement les contours et les modalités de pratiques d’écriture enracinées dans la faculté et la volonté de faire sens au monde et devant Dieu.