Ce n'est pas un genre littéraire, ni une école de pensée, ni un système philosophique, ni une classification de catalogue de bibliothèque, et aucun des auteurs, anonymes ou non, dont nous étudions les textes ne se connaissait comme un auteur de « manuscrit philosophique clandestin ». Ce qui caractérise ces textes dits « philosophiques » au sens large des Lumières parce qu’ils traitent dans un esprit critique, subversif, antichrétien, ou impie, des matières essentiellement métaphysiques ou religieuses, et dits « clandestins », parce qu’ils sont diffusés sous le manteau, en marge des circuits officiels, c’est qu'ils sont « manuscrits », non pas par accident, mais par nature, par opposition aux textes imprimés, même clandestinement, qu'ils précèdent dans le siècle ; c’est sous la forme manuscrite qu’ils ont exercé leur influence sur l’histoire des idées. En découvrant que cette masse confuse d’écrits est à la fois l’expression de fortes personnalités et un phénomène collectif, qu’ils forment véritablement un ensemble, qu'il faut les analyser bout à bout, les comparer entre eux parce qu'ils constituent un corpus dont la signification réside dans sa globalité même, Gustave Lanson a légué aux chercheurs un programme ambitieux.